Lettre ouverte aux membres du site #4 Cessons d'être cons

La pêche aux moules est votre passion ? Parlons-en ici.

D'habitude j'écris pour faire rire, réfléchir, rêver et faire découvrir ce qui me tient à cœur. Jamais je n'ai voulu blesser qui ce ce soit. J'ai toujours écrit dans la bonne humeur, avec humilité, hormis un horrible un dérapage qui m'a servit de leçon. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui je suis consterné par ce que j'ai lu. Aujourd'hui il faut que je frappe du poing sur la table. Aujourd'hui encore l'obscurantisme règne. Aujourd'hui encore le monde fait face à ses vieux démons. Aujourd'hui encore vient de prouver que l'Histoire malgré ses leçons, n'est retenu par personne. Aujourd'hui encore j'ai envie de devenir un lama.

En 2015, à titre posthume, une pièce reprenant un écrit de Charb, dessinateur phare de Charlie Hebdo assassiné le 7 janvier 2015, a été censuré. L'écrit dont s'inspire cette pièce s'appelle Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes. J'admet n'avoir jamais trouvé ce livre. Mais je sais de quoi il parle. Charlie Hebdo, c'est mon enfance, quand mon père l'achetait tous les mercredis, le balançant sur la banquette arrière de la voiture et moi le rattrapant pour le lire. Charb, c'était un communiste, comme Jean Ferrat. Comme Jean Ferrat, il connaissait les limites de son parti politique. Mais pas comme Jean Ferrat, lui préférait se moquer de ces conneries. Ce livre parle de l'explosion de l’antiracisme.

Dans les années 80-90, combattre le fascisme, c'est combattre le racisme. En même temps. Mais entre-temps est apparu l'intégrisme religieux. Cette idéologie a séduit plus d'un immigré. Mais comment lutter contre le racisme et le fascisme si on soutient le fascisme ? Charb est de ceux qui pensait que lutter contre le racisme, c'est lutter contre tous les racismes et c'est lutter contre l'idéologie qui la porte, le fascisme, qui pense que tous les hommes sont loin d'être égaux.

Mais le but n'est pas de parler du livre de Charb. La question n'est même pas de savoir si ce qu'il dit est vrai ou non. Après tous, pour débattre, mieux vaut connaître et lire toutes les opinions sur un sujet donné. On évite ensuite l'étroitesse d'esprit et l'embrigadement. Vous vous souvenez que je parlais de censure. La pièce devait se dérouler à la Sorbonne. Vous pensez que la demande vient d'un groupe d’extrémiste religieux ? Non. Du Front National ? Non. Des étudiants de la Sorbonne, élite éclairée de la nation ? Oui. Sous la bannière de Solidaires étudiant-e-s. Pour eux, le texte serait raciste. Qui connaît Charb, ses actions, ses écrits, ses dessins qui prônent l'exact opposé, c'est paradoxal non ? C'est sûr que les écrits de ce dernier ont toujours eu un grain de subtilité, un grain d'humour, un grain de rien à foutre de la bienséance. On peut ne pas être d'accord avec les écrits de ce dernier, avec ses arguments. Mais censurer ? Des étudiants ? De quel droit ? Sous prétexte qu'ils savent tous ? Qu'ils n'ont rien à apprendre ? Ils sont à la Sorbonne non ? Mais que savent-ils du racisme ? Dans un monde à forte reproduction sociale, protégé dans leur Paris intra muros.

L'oeuvre de Charb devrait servir à ouvrir un débat. Sur l'anti racisme, l'anti fascisme, sur la gauche en perdition dans cette lutte. Mais cet exemple n'en est qu'un parmi tant d'autres. Nous entendons chaque jour que des expos, des livres, des pièces, des artistes sont censurés par des types prônant la tolérance grâce aux instruments du totalitarisme. Le monde devient à l'instar de l'informatique, binaire. Les "gentils" et les "méchants". Faut pas dire ça, c'est raciste. Car je sous-entend que les musulmans sont tous des terroristes. Mais alors comment je me moque de ceux qui tuent au nom d'une croyance ? Bah faut pas. Sinon les progressistes viendront me lyncher sur twitter, comme au temps du totalitarisme. Mes "écrits" décriés dans une pure autodafé Hitlérienne.

L'humour est une moquerie envers une personne ou une institution, parce qu'elle a telle caractère. Mais l'humour permet une critique pleine de bonne intention, car le but n'est pas de rabaisser, mais de faire réfléchir cette personne à ce travers.
Le monde est subtil, complexe. Comme l'homme. Le monde est façonné par des hommes. La réalité ne sera jamais binaire.
Les étudiants de la Sorbonne, sous le couvert de la "bien-pensance" font finalement tout ce que Charb critiquait dans son ouvrage. Ils sont l'exemple vivant. Peut-être qu'elle est là le message de la pièce ?

Aujourd'hui, je vous invite à acheter ce numéro, celui de cette semaine de Charlie Hebdo. Il coûte 3€. Juste pour faire chier ces pseudos fascistes. Juste pour la liberté d'expression. Tous le monde est Charlie parait-il. Alors pourquoi on en encore là ?

J'aimerai finir sur les mots de Gérard Biard, dans ce fameux numéro. Ceci est à l'intention des étudiants.

Voici ce qu'était Charb et que vous ne serez jamais :

Charb était de gauche

Charb était anti-fasciste. Il détestait tous les totalitarismes, y compris ceux qui étaient encensés par certains pans de sa famille politique.

Charb était anti-raciste. Il considérait qu'un con est un con, quels que soient son origine ethnique, sa religion, son sexe ou sa classe sociale.

Charb croyait aux luttes sociales, pas aux guerres religieuses.

Charb était anti-colonialiste, et un pro-palestinien acharné.

Charb savait écrire "connards" en arabe.

Charb admirait et connaissait cette culture "musulmane" dont vous ignorez tout, mais qui vous émoustille comme la danse du ventre émoustillait le colon.

Charb considérait les "musulmans" et les "musulmanes" comme des adultes émancipés et des citoyens à part entière. Il combattait autant la haine qu'on leur porte à l'extrême droite que la condescendance méprisante qu'on leur porte à l'extrême gauche.

Charb avait lu Orwell, et avait compris ce qu'il avait lu.

Charb avait lu Plenel, et avait compris ce qu'il avait lu.

Charb était drôle.
vass
  • 856 message(s)
01 Fév 2018, 20:06
J'ai cherché un peu de quoi il était question et j'ai trouvé deux trois choses intéressantes.

Déjà j'ai un grand respect pour le travail de Charb (et pas que Maurice et Patapon, même si bon...) Mais c'est un fait que leur ligne éditoriale depuis quelques années (avant et après l'attentat) étaient critiquée pour leur position antireligieuse qui avait parfois tendance à ressembler à une certaine "islamophobie". Je ne pense pas que ce soit le cas, pas totalement ou consciemment en tout cas, mais certains ont eu tendance à s'appuyer sur charlie pour tenir des propos plus nauséabonds (Valls ou sarkozy par exemple), d'où une certaine défiance envers le journal. J'ai moi même cessé de le lire entre autre parce que je trouvais ce positionnement pour le moins maladroit (mais surement pas raciste!). Le texte de Charb semble porter sur ce point, mais ne l'ayant pas lu, je ne peux pas en parler.
Je pense que c'est là dessus que le syndicat a voulu censurer la représentation. Il y a une citation du texte qui résume ce que je pense: Si tu penses que la critique des religions est l’expression d’un racisme, non ce n'en pas une (et c'est surement ce que pense Charb) mais c'est un élément de l'expression d'un racisme quand cette critique se fait à l'encontre d'une seule religion...

Ceci précisé, notons que ce n'est pas le texte lui même qu'ils souhaitaient censurer mais le débat qui le suivait, peut être justement parce que ces débatteurs n'étaient pas franchement sur ce que pensait charb:
«Il semble apparent que le débat sera centré sur la question de l'islam et consistera à remettre en cause la lutte contre les violences racistes islamophobes et la parole de leurs victimes»
dixit le porte parole des étudiants. Apparemment c'est plutôt la fausse interprétation (qui sont parfois réellement islamophobes, dans le sens racisme déguisé) que font certains des idées de Charb qui est visée plutôt que ses idées elles-mêmes (qui elles, on est d'accord, sont anti religieuses et non racistes). Je ne sais pas si c'est vrai pour ce débat, je n'ai pas encore assez fouillé la bio des débatteurs, mais c'est pour préciser le pourquoi de la demande de censure.

Bon. A mon avis c'est une énorme erreur de demander cette censure (et je le dis en tant que syndiqué de SUD). Critiquer le débat qui suit est peut être et sans doute fondé, beaucoup trop de gens ont eu tendance depuis quelques années à se réclamer de Charlie pour justifier tout et n'importe quoi, pour preuve le magasine Causeur (qui est vraiment mais VRAIMENT à l'opposé des valeurs de Charlie prétend défendre Charb... Le pauvre...). Demander à censurer Charb, c'est jouer le jeu de ces malhonnêtes qui brouillent les cartes en plaçant pêle-mêle musulmans, antifas et gauchistes du coté des oppresseurs et réacs plus ou moins racistes du coté des défenseurs de la liberté d'expression. Il y a une critique à faire sur les positions de Charlie (en négatif, mais aussi en positif) mais elle est très délicate, et ce n'est surement pas en censurant qu'on la fera. Il y a une autre critique, bien plus sévère, à faire contre ceux qui instrumentalisent ce débat, en demandant à censurer au mieux on joue leur jeu, au pire on en fait partie.
Déjà merci de me répondre ! Bon sur tel, je risque pas de faire un long pavé mais bon...

La raison, je l'ai lu, Charlie cite même la suite. Mais rien que cette raison est déjà conne. Le mot est faible. En aucun cas il ne remet en cause la lutte contre le racisme, mais ce qu'on en fait. Pour des buts parfois malintentionnés.

Mais plus que ça, cet exemple est caractéristique de notre temps. Plutôt que d'éduquer, on préfère interdire, on achète la paix sociale et on cristallise les frustrations sociales, on les fout sous le tapis. C'est justement ce débat qui est sain. Je suis conscient que Charlie et même Charb n'ont pas la vérité universelle (encore heureux) mais rejeté n'importe quel idée, la censurer, quel qu'en soit la raison est inacceptable. C'est mon point de vue.

Critiqué les idées de Charb, qu'on soit pour ou contre c'est ce que lui aurait voulu. Le censurer c'est peut-être devenir ce qu'il a tant caricaturé. Et le pire, c'est ce que ce sont des gens cultivés, intelligents qui la demande cette censure. C'est ce qui fait le plus peur.
vass
  • 856 message(s)
01 Fév 2018, 21:48
On est d'accord.

La raison, je l'ai lu, Charlie cite même la suite. Mais rien que cette raison est déjà conne. Le mot est faible. En aucun cas il ne remet en cause la lutte contre le racisme, mais ce qu'on en fait. Pour des buts parfois malintentionnés.

Yep, et c'est pour ça que je pense que ce n'est pas lui qui était visé mais justement "ce qu'on en fait dans des buts parfois mal intentionnés". Mais pour l'affirmer il faudrait savoir plus précisément les étudiants et les débatteurs.

Mais plus que ça, cet exemple est caractéristique de notre temps. Plutôt que d'éduquer, on préfère interdire, on achète la paix sociale et on cristallise les frustrations sociales, on les fout sous le tapis.

Tout à fait, et c'est pour ça que je dis que c'est une erreur de demander une censure, par contre où je ne suis pas forcément d'accord toi c'est que je ne suis pas sûr que ces étudiants soient des cons, j'aimerais savoir précisément pourquoi ils ont réagi ainsi. Et cette info je n'arrive pas à la trouver... (du moins de façon non caricaturale) Je pense que c'est au minimum une erreur, au pire de la connerie, mais ça me rappelle l'histoire charlie/plenel où le fautif était désigné d'office alors que les torts étaient partagés et le débat entre les intéressés bien plus constructif mais moins relayé que le buzz à la con.

Pour résumer oui c'est une connerie, mais ça doit interroger, c'est trop facile de juste dire "c'est des cons" sans se demander s'il n'y a pas derrière une raison valable avec une mauvaise réaction.
Bon, j'ai lu hier, et de nouveau aujourd'hui a frai. J'écris beaucoup moins bien que toi et ait du mal a argumenter ( a l'écrit, j'aime pas ce mode d'expression ), alors ce message est juste la pour dire que je ne suis pas très bien informé sur le sujet, mais que globalement je suis d'accord avec toi. Par contre je comprend pas comment juste des étudiants on pu le faire censurer. Déja, comment ils ont eu le pouvoir de le faire et aussi comment ils peuvent avoir la prétention de décider de comment devrait etre un texte, surtout quand il s'agit d'un texte posthume de quelqu'un qui a passé une grande partie de sa vie a combattre pour la liberté et contre le racisme et qui es mort pour ses idées. C'est franchement avoir les chevilles bien enflés et aucun respect
Bonjour,
texte comme toujours très intéressant, et les réponses aussi.

Je ne suis pas bien informé, et je ne suis pas non plus dans les milieus de gauche, ni les milieux Charlie, donc je ne comprends pas toutes les implications de ce que vous racontez. Mais deux petites choses me viennent à l'esprit :

- est-ce que l'esprit Charlie a jamais voulu dire quoi que ce soit? De ce que j'ai compris, c'était au départ une solidarité avec les victimes, ou avec les idées qu'elles défendaient, et ensuite c'est devenu une sorte d'obligation (si t'es pas Charlie t'es du FN ou un terroriste), et ensuite plein de gens ont dit que Charlie c'était caca........ donc voilà, est-ce pertinent de parler d'esprit Charlie? La notion de base que je ne saisis même pas a été dévoyée par tous les courants de pensée.
- là on veut lancer une évolution parce qu'une bande de lycéens riches ne veulent pas aller voir une pièce de théâtre. Mais personne ne dit rien quand on casse la liberté d'expression, d'information, de recherche sur internet. La loi permet de surveiller les citoyens suspects sans preuve, aux USA les sites officiellement considérés comme "complotistes" ou peu fiables sont éjectés des résultats Google lors des recherches. En France, on a le Decodex, un outil qui ne sert à rien, est faussé, mais qui donne une base aux arguments les plus mauvais. Par exemple, tel site remet en cause les choix politiques par rapport à Israël et la Palestine. Réponse : "Ah mais vous êtes considérés comme non fiable par le Decodex. Vous n'avez donc aucune crédibilité, moi si vu que je suis à la télé. Bye." . Cette impossibilité de plus en plus flagrante de ne plus pouvoir croiser les informations est bien pire que ce fait divers de jeunes qui ne veulent pas faire cours sur le théâtre. Parce que ces faits divers sont visibles.

Ma conclusion :
Avec une grosse lame de fond qui est l’asphyxie de la liberté de s'informer, les petites vagues de faits divers que tu rapportes font juste diversion. Elles permettent d'émouvoir les gens avant de passer à autre chose (syndrome BFMTV). Et pendant ce temps, les véritables gros problèmes s'amplifient.
Donc grogner face aux étudiants, oui, c'est toujours marrant, et ça peut avoir une petite efficacité. Mais il faudrait voir à retrouver nos libertés perdues et pas seulement demander à ne pas en perdre plus.

Bonne journée :)

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